Le Qìgōng (氣功) et le Tàijíquán/Taichi Chuan (太極拳), disciplines énergétiques et martiales, font l’objet de considérations circonspectes en occident. Souvent réduits à un angle sportif ou thérapeutique, sans considération pour leurs aspects martiaux et spirituels, ils font l’objet de bien des spéculations et des débats quant à leur efficacité et donc leur utilité. Cet article se propose de revenir sur leurs points saillants, tel que perçus dans la cadre officiel français.
Les “avancées” de la connaissance médicale occidentale…
L’Académie de médecine a publié le 05 mars 2013 un rapport intitulé “LES THÉRAPIES COMPLÉMENTAIRES – Leur place parmi les ressources de soins“. Voici, ci-dessous, son premier paragraphe :
“Le comportement du public vis à vis de la médecine est ambivalent : convaincu et même séduit par les avancées de la recherche, il est en même temps déçu, et parfois révolté, par les nombreux domaines où les résultats des traitements sont insuffisants, ou encore inquiet des inconvénients dont leurs effets sont assortis. C’est souvent dans cet esprit de relative défiance vis-à-vis de la médecine que les patients se tournent, sans en informer leur référent médical, vers des pratiques non conventionnelles dont les vertus leur ont été vantées par les multiples sources d’information non contrôlée qu’offre notre société. Le recours à ces pratiques est aujourd’hui tel que leur diffusion a pris une étonnante extension“
Rapport (2013, p. 1)
Le rapport de la médecine occidentale face à toutes les médecines et pratiques de santé non occidentales a toujours été problématique, puis que leurs ontologies (le Matériel d’abord vs. le Spirituel d’abord) et épistémologies fondamentales diffèrent (la connaissance par l’extérieur, à visée objective, à l’aide de tests pouvant être destructifs pour le vivant vs. la connaissance par l’intérieur, au fondement subjectif et ressenti, mais à visée également objective, non destructive pour le vivant dans ses examens)… jusqu’à être parfois incompatibles (si rien ne se “voit” à l’imagerie ou à l’analyse chimique, c’est donc que la maladie n’existe pas, ou du moins pas dans le corps physique, mais “seulement dans la tête”, comme si la tête, ou le cœur, ne faisait pas partie intégrante du corps !). La vraie question est en fait double…
1) Existe-t-il une “science du particulier” (qui s’occupe de chaque individu en particulier et non d’un “individu moyen”) ? Il est sûr que tout recours à une étude statistique (donc fondée sur la loi faible des grands nombres) ne pourra s’en saisir, puisque son principe est la généralité et non la contingence du terrain du patient… et les catégories permettant de raffiner un peu dans les études statistiques sont souvent très “macro” (ex. : homme/femme, tranche d’âge de plus de 65 ans, présence ou non d’une maladie cardiovasculaire ou non, d’obésité ou non, etc.). Elles relèvent en fait de la statistique descriptive (pourvu que l’on ait songé à recueillir ce type de données “connexes”) et donc de la corrélation, mais certainement pas de la causalité : on se doute bien qu’il y a un lien puisqu’il y a corrélation, mais ce lien est causalement faible, au sens ou l’ensemble des causalités n’est pas clairement identifié et sérié… or la seule explication considérée comme légitime actuellement en médecine occidentale devrait être de nature mécanique (donc in fine chimique), ce qui n’est pourtant pas la nature des informations relevées en corrélation et permettant de faire des “descriptions plus fines” (qui ne descendent jamais vraiment dans le micro, au niveau de l’endroit où l’on postule pourtant la causalité, dans la matière). L’utilité des études statistiques est toutefois indéniable à un niveau agrégé, comme celui des politiques de santé publique, puisqu’elle donnent des informations utiles aux managers, mais on change du coup complètement de registre… puisqu’ici, justement, dans une forme de “religion technocratique” on se fiche pas mal du particulier et de l’individu, parce qu’il faut traiter des populations (c’est le médecin de terrain qui devrait normalement pouvoir traiter ses patients de façon individualisée) ! La logique sous-jacente à l’approche statistique semble être que l’on ne fait pas d’omelettes sans casser des… patients ; c’est bien comme cela qu’Ambroise Paré (1510-1590) a appris la chirurgie, non ? Le problème, c’est que le chirurgien n’opère pas un patient “moyen”, mais un patient réel, c’est-à-dire parfaitement spécifique et typé. “Opération réussie. Patient décédé” ne devrait rester qu’une mauvaise blague de carabin.
2) La médecine est-elle d’abord une science (donc une pratique de recherche où il faut expérimenter sur des patients, pour élaborer des théories plus ou moins robustes, identifiant une causalité claire et sans ambiguïté, ce qui permettra de recommander sans ambages des thérapeutiques spécifiques fondées sur ces causalités) ou bien est-elle d’abord une pratique pragmatique (dont l’objet est l’amélioration de la santé réelle des patients, au-delà de toute idéologie) ? Les études d’histoire, sociologie et épistémologies des sciences montrent malheureusement que c’est l’adhésion sociale à une théorie qui prime à court terme (pendant moins d’une génération) sur sa véracité et que de nouvelles théories fausses sont adoptées rapidement par le grand public (et même les pouvoirs publics, comme on a pu le voir en 2020 avec les incertitudes durant la “crise du Covid” et, par exemple, le port du masque en extérieur) et que des théories vraies ne sont pas acceptées ou admises tout de suite (il y a un nécessaire temps de révision et d’éducation des mentalités) : la “révolution scientifique” (ou non) étant d’abord perçue subjectivement, avant qu’un dialogue intersubjectif relativement serré et argumenté (le processus normal d’étude et de publication d’articles scientifiques) ne viennent renforcer un consensus de la communauté scientifique (jusqu’à l’identification d’éléments ultérieurs venant éventuellement les invalider, comme par exemple la toxicité alléguée d’un médicament ayant déjà été prescrit à plus d’un milliard de personnes ; si vous choisissez d’écouter cet entretien, vous apprendrez de nombreuses choses sur l’état scientifique du savoir relatif au vivant).
Si la recherche scientifique est évidemment importante pour fonder en Raison la pratique médicale, ses résultats sont loins d’être clairs et évidents (interprétations logiques multiples possibles vs. interprétation de type “pensée unique”, c’est-à-dire dogmatique, bien loin des débats scientifiques… qui existent dans toute communauté épistémique saine, loin de toute forme de totalitarisme de la pensée ou de “religion scientiste“, qui cherche à s’imposer pour des raisons d’intérêts, plutôt que de vérité rigoureuse… et donc malheureusement longue à établir rigoureusement). Une telle perspective n’est malheureusement pas du tout celle du patient qui souffre dans son quotidien à court terme et qui demande des solutions pratiques pour améliorer son état. Le bon médecin fera de son mieux pour aider son patient à aller mieux, ce qui suppose qu’il ne se cantonnera pas à ce qu’on lui a appris en fac de médecine, mais se permettra, en sa qualité d’expert, d’explorer d’autres voies, tout en restant informé, on l’espère, des dernières avancées de la recherche ; ce dernier point suppose toutefois que le médecin de terrain soit en capacité de comprendre les articles de recherche (ce qui n’est le cas que s’il a lui-même fait de la recherche en obtenant un Doctorat avec bien plus qu’une thèse d’exercice)… et qu’il ait le temps pour s’informer objectivement (démarche universitaire de type “revue de la littérature scientifique”) et chercher à comprendre le modèle théorique qui émerge de ces recherches (un réel travail d’expert du domaine, le plus souvent), ce qui est malheureusement loin d’être évident.
Le médecin a toujours dû être pragmatique, parce qu’il est un praticien (ex. : Praticien Hospitalier ou PH) et doit apporter des solutions précises à chaque cas individualisé et contingent de ses patients, certes sur la base du savoir médical considéré comme scientifique à son époque (ex. : Professeur des Universités ou PU), mais ce qui importera pour le patient “c’est que ça marche, même si on ne sait pas pourquoi“… plutôt que le contraire : “ça ne marche pas et on ne sait pas pourquoi”. En bon pragmatique, le praticien sait bien que le temps de l’action (court terme) n’est pas du tout celui de la recherche (long terme) ; il sait aussi que les questions du financement des recherches orientent largement les sujets sur lesquels elles se portent, et donc le type et la qualité du savoir élaboré récemment, notamment en cas de crise ou sous toute autre forme de pression. Si l’on savait tout de la santé, notamment des liens “Corps-Esprit”, cela fait longtemps que tout le monde serait en bonne santé. Ne tombons pas dans l’arrogance qui consiste à faire comme si l’on savait tout… alors que la recherche ne cesse de faire des bonds et des rebonds, nous permettant de réaliser à quel point on en savait, en fait, assez peu ! Toute pratique réelle de la recherche inculque toujours plus d’humilité, parce que tout chercheur est confronté à ses propres erreurs, qu’il cherche à dépasser dans ses recherches ultérieures. Les résultats des plus mitigés de certains traitements en sont un témoignage d’autant plus évident que l’on est concerné… et que l’on souffre. Peut-on alors être surpris de la défiance de patients ou de leurs proches vis-à-vis de “solutions thérapeutiques” qui ne changent rien ou presque à leurs souffrances, voire qui les aggrave parfois, en leur imposant de nombreuses contraintes (modalités de traitement rigides, prise de médicaments avec possibilités d’effets indésirables ou incertains, etc.) ? La seule question logique qui s’impose est la suivante : dans de tels cas, peut-on vraiment parler de “solution thérapeutique”, puisqu’elle pose en réalité problème…
Si le public est “séduit” par une pratique (occidentale ou non), c’est qu’il en espère (ou qu’il en éprouve) des bienfaits… malheureusement, un type de bienfait seulement est mesurable quantitativement : l’amélioration des constantes physiques et chimiques. Qu’en est-il de leur santé ressentie, de leur états intérieurs, bref de leur souffrance ? Une question bien qualitative, même s’il existe des échelles permettant de qualifier cette souffrance et d’en proposer des gradations. Gradations d’ailleurs fort peu utilisées, puisque considérées comme subjectives, là où il ne faudrait être qu’objectif… et donc considérer que l’humain n’est qu’un objet ! Un objet ne souffre pas, un sujet peut souffrir, lui. Le primat des considérations anatomiques (les plus faciles à expliquer par des schèmes causaux mécaniques), n’offrent que peu de réponses à cette question, sauf à “shooter les gens” à coup d’antalgiques et d’anxiolytiques (les français sont réputés pour en être les plus grands consommateurs au monde…), qui ne résolvent pas les problèmes intérieurs, mais peuvent permettre d’en atténuer les symptômes, quitte à provoquer sur le long terme d’autres types de déséquilibres. C’est la raison pour laquelle la recherche médicale a depuis une bonne décennie commencé à s’intéresser aux “pratiques Corps-Esprit” (mind-body practices, en anglais, ou ” pratiques psycho-corporelles “), un ensemble de “pratiques non conventionnelles” (en occident… mais multi-millénaires ailleurs !), à la diffusion “étonnante” (sans doute, s’il s’agit d’une grenouille qui n’a jamais quitté son puits et si on méconnaît les diffusions à longue de distance via par exemple la route de la soie). Le problème de ces pratiques, c’est qu’elles sont “vantées par les multiples sources d’information non contrôlée“. L’information DOIT donc être contrôlée… mais par qui et pour quoi ? Certainement pas pour l’influencer dans le sens de certains intérêts matériels, politiques, corporatistes ou industriels, mais pour aller dans le sens pragmatique de la vérité, c’est-à-dire de l’intérêt réel du patient. Dans un monde idéal, on ne relaiera qu’une information vraie, plutôt qu’une information estampillée par tel ou tel groupe… d’intérêts. Sous couvert de faire la chasse au charlatanisme, ce sont souvent des intérêts bien matériels qui sont en jeu : préserver des rentes ou des monopoles, plutôt que la santé (physique et mentale) des patients, qui sont des humains, avant d’être des objets d’études ou de gestion (“ressources” humaines, usagers/administrés, etc.). Tout le monde préfère un monde angélique où le pouvoir est dans les mains des “gentils” à un monde diabolique où la réalité du pouvoir est entre les mains des “méchants” ; la réalité en souvent intermédiaire et le curseur varie en fonction des périodes… Savoir faire preuve de discernement et de lucidité est un facteur de survie sur le long terme (la fameuse sélection naturelle).
…et leurs conséquences sur les “thérapies complémentaires” (ThC)
“Il est désormais clairement établi par la communauté médicale que l’activité physique est bénéfique au maintien de la santé“
site FFAEMC
Une telle affirmation prête quelque peu à sourire, si ce n’est à rire… jaune (sans mauvais jeu de mots). Pourquoi ? Imaginer qu’il a fallu attendre les années 2010-2020 pour en arriver à cette conclusion stupéfiante laisse un peu rêveur sur l’état de notre connaissance scientifique “moderne”, alors que ce message est pourtant véhiculé depuis des millénaires par toutes les médecines “traditionnelles” : quelle avancée prodigieuse de la médecine occidentale ! Oui, il y a de l’ironie mordante dans les propos qui précèdent, mais elle est destinée à réveiller un peu les dormeurs : il y a beaucoup de choses que l’on sait ne serait-ce qu’empiriquement et qui ne sont pas “prouvées scientifiquement”, mais qui produisent des effets facilement constatables sur soi-même, lorsque l’on pratique. On connaît ainsi depuis des millénaires en Asie les bienfaits d’activités physiques modérées (low impact, en anglais) sur le maintien de la santé, sur la longévité ou sur le “mieux vieillir”. Les médecines traditionnelles ont sauvé de nombreuses vies et rendu d’autres bien meilleures… Si l’on se déprend de toute idéologie moderniste, typique de la religion scientiste, ce n’est pas nécessairement parce que c’est plus récent que c’est mieux : là n’est en effet pas le vrai critère d’évaluation ; un savoir jeune est encore vert et l’on manque d’expérience, que la pratique finit par fournir… et ça n’est qu’à ce momnt-là que l’on peut réellement évaluer.
Au vu des différences avec les approches occidentales, il faut donc donc choisir un terme approprié pour qualifier ces disciplines : “de ces termes en usage, thérapie complémentaire nous semble le meilleur car il évite l’appellation tout à fait injustifiée de ‘médecines’ et implique que ces pratiques ne sont que de possibles compléments aux moyens de traitement qu’offre la médecine proprement dite, à laquelle elles ne sauraient se comparer ni se substituer“. Le message est très clair sur la hiérarchisation des pratiques (la Médecine Occidentale tout en haut et le reste… tout en bas), mais pas sur sa justification et pour plusieurs raisons. Tout d’abord, dire que ce ne sont “pas des médecines” veut dire qu’elles n’ont pas d’effet thérapeutique ou pas pas d’effet thérapeutique fiable selon la médecine occidentale, bien que par exemple, l’Acupuncture et le Qìgōng soient deux des quatre branches de la médecine chinoise… donc cette appellation “tout à fait injustifiée de médecine” indique surtout que ce ne sont pas des médecines au sens Occidental : ce qui n’implique guère que ce ne sont pas des médecines du tout, sauf à considérer que l’occident a le monopole de la (vraie) Médecine et de toutes pratiques médical (ce qui est bien ce qui est acté dans le cadre du droit français) ! Il est vrai qu’aucun monopole n’accepte de bonne grâce d’être contesté, alors que toute Science l’accepte justement, par principe, pour que le débat ait lieu et que la Science progresse ; si on accuse d’emblée ce qui ne nous ressemble pas d’être un charlatan, on a fermé la porte au dialogue et donc à l’expérience, et donc à la connaissance, tout simplement. On pourrait qualifier ceci du complexe d’arrogance de l’ignorant. Si personne n’avait jamais constaté d’effet de ces thérapies complémentaires, la situation serait très différente car cela voudrait dire justement qu’elles sont inefficaces ; or, c’est justement parce que l’on a constaté une efficacité que la recherche médicale occidentale étudie ces sujets, souvent de façon prédatrice.
L’objectif du rapport est assez clair : “faire des recommandations propres à contenir au mieux le recours aux ThC dans un usage raisonnable et à conforter les hôpitaux dans la fonction d’expérimentation et d’évaluation qui doit rester principalement la leur” (p. 2) ; on recommande donc dès le début du rapport de contenir dans un usage “raisonnable”, synonyme le plus souvent de “compassionnel” (comprendre “pour faire plaisir”, donc placebo), ce qui signifie tout simplement de n’en faire qu’un usage marginal, ce qui est logique, en situation de monopole ; ceci est pourtant moins logique en situation scientifique, où aucun monopole n’a cours, et qui plus est quand on admet qu’il y a un réel besoin d’expérimentation et d’évaluation… bref, lorsque l’on admet que l’on ne sait pas, sinon on n’aurait guère besoin de telles expérimentations. Au final, il y a une forme d’arrogance, sous forme de complexe de supériorité, mais aussi de mauvaise foi : si ça n’est pas de la médecine, pourquoi donc l’utiliser, puisque ça n’est pas réputé fiable ? À moins que ce soit le connaissance de la Médecine Occidentale qui soit en fait discrètement remise en cause, parce qu’elle serait incomplète… et donc ne permet pas de décider parfaitement (ce qui ne choquerait guère aucun scientifique sérieux) ! Il y a une grosse différence épistémologique entre “l’absence de preuve” que ça marche (donc on ne sait pas si ça marche) et “la preuve de l’absence” (on a prouvé, et donc on sait, que ça ne marche pas, car on a réfuté). Ces “ambiguïtés” dans les propos cachent en réalité des positions politiques (privilégier les intérêts des uns sur les autres) et non scientifiques (l’intérêt médical de tout le monde est la Vérité : que l’on sache clairement ce qui marche et ce qui ne marche pas). L’un de mes Maîtres rappelle souvent que “l’arrogance et l’ignorance font un terrible mélange“…
Quelles sont alors les ressorts d’efficacité (“au regard de la médecine fondée sur les preuves“, p. 2) de ces disciplines selon ce rapport de l’Académie de médecine de 2013 ? “Un choix arbitraire mais réfléchi nous a conduit à ne retenir pour ce travail que quatre techniques : l’acupuncture, la médecine manuelle (ostéopathie et chiropraxie), l’hypnose et le tai-chi ; elles sont à la fois les plus riches en publications indexées et ce sont celles que privilégie l’AP-HP” (p. 2), bref on ne regarde que près de chez soi ce qui est le plus visible quantitativement, avec possibilité d’effet réverbère… L’Acupuncture ne serait indiquée que dans le cas de la réduction de la douleur (Lombalgie, Cervicalgie, Fibromyalgie, Céphalées, Dysménorrhée, Nausées et vomissements de la chimiothérapie anticancéreuse, etc.), mais pas dans les cas de “pathologies fonctionnelles”. Le Tai Chi (et le Qi Gong qui ne reçoit que quelques lignes et est complètement amalgamé dans cette catégorie, sic !) est indiqué pour l’Équilibre et la prévention des chutes chez les personnes âgées et la Pression artérielle : “en résumé, tai chi et qigong peuvent présenter un intérêt dans la prise en charge d’un ensemble assez hétéroclite de maladies, qui ont toutes en commun d’être dans une certaine mesure sensibles à l’exercice physique. De nouveaux travaux sont nécessaires pour juger leur valeur par rapport aux méthodes conventionnelles d’entretien physique, et on ne peut dire aujourd’hui si la faveur dont ils jouissent est autre chose qu’un effet de mode” (p. 14). Le rapport nous livre son sentiment sur le véritable ressort de ces disciplines : “L’EFFET PLACEBO, UNE CONTRIBUTION ESSENTIELLE DANS LES BÉNÉFICES ALLÉGUÉS“.
On y découvre ainsi des choses intéressantes : “Les justifications théoriques avancées par les promoteurs de ces méthodes laissent perplexes les tenants de la médecine scientifique. L’attention apportée par l’opérateur, la confiance qu’il inspire au patient n’interviennent-elles pas davantage que la technique qu’il emploie ? L’effet placebo, qu’on est obligé de prendre en considération dans l’évaluation de tout traitement, n’est-il pas l’explication de l’action des ThC ?” Notons que l’acronyme retenu pour évoquer ces Thérapies Complémentaires rappelle étrangement la substance psychoactive du cannabis, ce qui n’est peut-être pas un choix involontaire, puisque l’argument est au fond que “tout est dans la tête“, la preuve c’est que le chercheur ne comprend pas les justifications théoriques (le compte rendu donné des “ressorts théoriques” pour les disciplines concernées montre d’ailleurs une compréhension bien superficielles des théories de ces différentes disciplines pour celle d’origine chinoise, ce qui empêche du coup d’en tester les théories… puisque l’on ne les connaît pas vraiment, mais l’équité ou l’égalité de traitement ne semble pas avoir d’importance). D’ailleurs les praticiens de ces disciplines arrivent à apporter de l’attention à leurs patients et à leur inspirer confiance, ce qui ne doit évidemment pas être le cas des pratiques de Médecine Occidentale ; si tel n’était ainsi pas le cas, il faudrait sans doute se poser de franches questions sur l’exercice de la pratique médicale en occident (c’est d’ailleurs un des thèmes de recherche possible : bedside manners, en anglais). “L’effet placebo est donc le mécanisme d’action de l’acupuncture le plus plausible (…) Il n’est pas exclu qu’il rende compte d’une partie des effets thérapeutiques du tai-chi et du qigong, pour autant que sont visés les troubles fonctionnels car, comme on l’a vu, ces pratiques agissent sans doute principalement, dans la prévention des chutes, l’hypertension et les maladies métaboliques par l’exercice et le contrôle musculaire qu’ils favorisent” (p. 16).
Le lecteur logique et attentif est un peu gêné par ces conclusions : ce que l’on fait dans la discipline en question est tout simplement aléatoire et n’a aucune importance, tout est dans le praticien, qui provoque un effet placebo (mais limité à la douleur pour l’acupuncture et diffus pour le Taichi/Qigong). Effet que la Médecine Occidentale est donc incapable de (re)produire et d’utiliser pour avoir des effets bien réels sur les patients… dommage, car il y a donc ici une marge de progrès bien réelle et qui est pourtant bien identifiée ! De plus, il n’est question que de “plausibilité”, on émet un doute au moins rhétorique en utilisant du “sans doute”, mais les conclusions ne doutent guère et sont tranchées, là où elles devraient logiquement n’être que nuancées. Enfin, il ne s’agit que d’exercice musculaire (les autres structures corporelles ne sont donc pas sollicitées, ni mobilisées) et la respiration, si importante dans les arts chinois, n’est même pas évoquée (sauf sous forme de rééducation respiratoire ; rappelons à l’occasion que la sophrologie vient justement du Yoga indien et du “yoga chinois”, comprendre le Qìgōng) ! Quand à l’Esprit, n’en parlons évidemment pas, car il n’a pas sa place en anatomie. Il aurait été utile que l’importance de l’Esprit dans les trois disciplines qui nous importent ici ait été porté à l’attention de ces personnes… Bien que positionnées en fonction d’évaluateur expert (mais apparemment complètement ignorantes du courant de recherche “Mind-Body” anglo-américain, pourtant contemporain du rapport), elles semblent méconnaître ou ignorer les principes fondamentaux et les modalités réelles “indigènes” de ce qu’elle expertisent (vous avez déjà essayé de reproduire exactement un plat de votre grand-mère et… ça n’a pas du tout le même goût ?), ce qui témoigne simplement d’un mépris institutionnel auto-satisfait. Absence de preuve (surtout quand on ne cherche pas vraiment) ne vaut pas preuve d’absence (réfuter quelque chose scientifiquement demande un travail sérieux, où l’on s’efforce d’être rigoureux et impartial et où tout n’est pas joué d’avance ou presque).
Le concept de “(Médico)Sport Santé” : le Corps… sans l’Esprit ?
Depuis ce rapport de 2013, le Taichi Chuan et le Qi Gong sont donc désormais reconnus comme “Thérapies complémentaires” (sous forme de placebo, et d’exercices physiques, sans différence reconnue avec d’autres types d’exercices physiques). Toutefois, l’Activité Physique et Sportive (APS) permet de maintenir la (bonne) santé, ce qui en fait un enjeu de santé publique ; sur cette base des “bienfaits du sport pour la santé“, un nouveau concept de “sport santé” s’est développé, par opposition au “sport de haut niveau” (on ne se désporte plus pour le plaisir de jouer, mais par devoir de prendre en charge sa santé). Dès 2009, la commission médicale du CNOSF (Comité National Olympique et Sportif Français) le définit comme “pratique d’une discipline sportive aptes à maintenir ou améliorer la santé en prévention primaire, secondaire ou tertiaire“. C’est donc dans la catégorie acculturante du sport (jeu et divertissement) qu’il faudrait penser le “Taichi Chuan” et le “Qi Gong”, mais en étendant potentiellement les objectifs de prophylactique à thérapeutique (sous conditions), allant ainsi du bien-être à la santé ; il est vrai que le bien-être ne saurait contribuer à la santé… On tend ainsi à minimiser l’impact de l’Esprit sur le Corps, tout en reconnaissant l’existence d’effets psychosomatiques (notamment le placebo, mais en oubliant très généralement l’effet nocebo que le chercheur sceptique peut d’ailleurs induire…). Peut-on réellement penser encore le Corps sans l’Esprit ? Quelle est la différence entre un Corps vivant (organisme) et un Corps mort (autopsie) ?
Émerge ensuite le concept de Médicosport-Santé, regroupant des indications médicales générales et par discipline sportive, dont le Qìgōng (氣功) et le Tàijíquán/Taichi Chuan (太極拳) ; vous pouvez consulter le rapport 2018 ici. L’APS a ainsi été reconnue comme “approche thérapeutique” par la Loi de Santé de 2015, ce qui l’a conduit à instituer un dispositif de “sport sur ordonnance“, notamment pour les pathologies chroniques, sous la responsabilité exclusive d’un professeur pouvant attester d’une qualification agrée par l’État français : “le Médicosport-santé est un dictionnaire à visée médicale des disciplines sportives qui recense les caractéristiques physiques, physiologiques et mentales de chaque discipline sportive ainsi que les conditions de pratique dans le cadre du sport-santé (prévention primaire, secondaire et tertiaire). A ce jour, 45 fédérations sportives ont intégré le dispositif” (site CNOSF). Issu d’une convention avec le groupe Vidal, les articles concernant MÉDICOSPORT-SANTÉ, TAÏCHI CHUAN ET QI GONG, POURQUOI PRATIQUER LE TAÏCHI CHUAN OU LE QI GONG LORSQU’ON EST MALADE ?, sont disponibles gratuitement en ligne.
Heureusement, d’autres approches existent aussi en France, plus intégratives du Corps et de l’Esprit et qui constituent d’heureuses avancées allant dans le bon sens : celui d’une prise en charge plus complète de l’humain, en espérant qu’elle ira d’intégrative à intégrale (l’être humain dans toutes ses dimensions) ! L’ouvrage dirigé par Célestin-Lhopiteau (2015), à partir de l’expérience du CHU du Kremlin Bicêtre, est un témoignage médical inspirant et dont vous trouverez l’image ci-dessous. Les “pratiques psycho-corporelles” restent des pratiques complémentaires selon le principe des “thérapies complémentaires” (ThC), mais d’une façon réellement pensée dans un parcours de soin et non comme un outil banal de plus, disponible dans une boîte à outils. Plus important encore, l’ouvrage fait place à l’expertise infirmière si importante pour les soignés (et dont l’une des ThC commune est le “toucher thérapeutique“… dont les modalités sont étonnamment proches du Reiki), ainsi justement qu’à l’expérience des patients qui ont souvent peu leur mot à dire quant aux soins et traitements qu’on leur administre et qui témoignent de l’intérêt ressenti de ces pratiques.
La “reconnaissance” du Qìgōng et du Tàijíquán est au final à reculons, et forcé par la pression populaire, contraignant l’establishment médical à se pencher à contrecœur sur son cas, sauf dans de rares cas de chercheurs pionniers : il est plus important de dire que l’on n’a pas de preuve que d’en chercher sérieusement. On entend régulièrement l’argument de la “perte/réduction de chance de guérison”, on peut penser que minimiser les arts énergétiques chinois en constitue désormais un nouvel aspect, intérêts économiques et financiers obligent. Ce que l’on oublie en effet souvent de dire, c’est aussi que s’il n’y avait pas autant de blocages institutionnels, ces “arts chinois” coûteraient fort peu cher par rapport à la Médecine Occidentale. C’est ce dont Mao, qui voulait se débarrasser de la médecine chinoise comme l’une des “quatre vieilleries”, s’était aperçu après sa longue marche, où les médecins de Médecine Chinoise avaient sauvé bien des vies avec les moyens du bord, bien loin de pratiques pour gens fortunés à l’américaine (ou pour cadre du Parti…), la situation française étant encore pour le moment dans une situation intermédiaire. Bien sûr que si l’on a les moyens d’une médecine de riche, il ne faut pas s’en priver ; toutefois, dénigrer par principe une médecine de pauvre, sans en voir les bienfaits est tout sauf raisonnable. J’entends déjà l’argument que certains m’opposeront : “bienfaits allégués”. Retour à la case départ avec la charge de la preuve. La question est donc bien celle de la justification et donc une question plus institutionnelle que réellement médicale. Alors, faisons donc preuve d’un peu d’Esprit, et de Cœur ! Après tout, n’est-ce pas la base des Arts Internes ?